Pour rappel, l’isolation phonique consiste à protéger un local des bruits de son environnement ou l’inverse.
L’isolement est important pour vivre avec les autres dans l’indépendance.
Louise Portal
L’isolation phonique, telle que traitée ici, concerne l’isolement entre 2 locaux.
Pour rappel, on devrait dire isolation acoustique et non isolation phonique. Le terme phonique concerne plus particulièrement la voix. Mais « isolation phonique » est plus utilisé dans le langage courant et finalement on cherche à s’isoler principalement de la voix.
Le cas des équipements est traité dans les parties acoustique du bâtiment ; vibration et bien entendu la future célèbre rubrique « Cas pratiques » 🙂
Entre locaux, il y a lieu de distinguer les bruits aériens et les bruits d’impacts.
BRUITS AERIENS
Les 2 grandes lois suivantes décrivent l’affaiblissement acoustique des parois et sont détaillées plus loin :
- la loi de masse
- la loi masse/ressort/masse.
Mesures en laboratoire
Des tests sont réalisés en laboratoire afin de caractériser les éléments dans des conditions maitrisées et reproductibles. Ceci permet de comparer ces éléments entre eux (mêmes conditions).
Ainsi, en laboratoire, les parois sont complétement désolidarisées de leur environnement. Cela permet de caractériser leur Indice d’affaiblissement acoustique, nommé R (avec plusieurs déclinaisons).
Mesures sur site
Une fois ces parois mises en œuvre sur site, elles deviennent solidaires des autres parois. Une énergie non négligeable passe par ces autres parois. Il s’agit des transmissions latérales.
A noter qu’il peut y avoir d’autres pertes d’énergie par des transmissions parasites (prise de courant, entrée d’air, fuites…).
Le résultat global est appelé Isolement acoustique (caractérisé par la lettre D avec plusieurs déclinaisons). C’est ce résultat qui représente la réalité.
BRUITS D’IMPACTS
Les bruits d’impacts sont représentatifs des bruits de pas, de déplacements d’objets. En laboratoire, une « machine à chocs » laisse tomber des petits marteaux pour tester les revêtements de sols.
L’efficacité du revêtement de sol aux bruits d’impact se caractérise alors par le ∆Lw. Il est donc mesuré sur un plancher indépendant des parois (comme pour les bruits aériens).
Le niveau aux bruits de chocs reçu sur site se défini par le L’nT,w. Comme l’isolement aux bruits aérien D, L’nT,w intègre toutes les transmissions (directe, latérales et parasites).
Important :
Les transmissions latérales ne sont pas à négliger (comme les transmissions parasites). Elles peuvent devenir prépondérantes et ruiner un isolement ! Il ne sert alors à rien de traiter la paroi si tout passe sur les côtés. C’est un phénomène assez subtile, qu’il n’est pas évident d’appréhender sans mesure ou sans expérience.
INDICE D’AFFAIBLISSEMENT ACOUSTIQUE AUX BRUITS AERIENS
Cet indice R représente l’affaiblissement de l’élément testé seul. Pour cela, il est mis en œuvre en laboratoire, entre 2 salles complétement indépendantes (aucune transmission latérale). Ces salles sont découplées par un joint de désolidarisation.
Il s’agit alors de la différence entre Emission L1 – Réception L2 + un terme qui permet d’exclure les caractéristiques du local de réception et les dimensions de l’élément pour intégrer celles du lieu réel dans les calculs d’isolement (voir ci-après).
Cet indice est exprimé par bandes d’Octave ou de 1/3 d’Octave. Pour simplifier, il existe des indices globaux. Ces indices intègrent l’ensemble des bandes de fréquences utilisées pour la parole, retenues dans la plupart des réglementations du bâtiment. Ils sont alors nommés Rw + C pour les produits utilisés à l’intérieur (émission pour un bruit rose). Ils sont nommés Rw+Ctr pour les produits de façade (émission pour un bruit de trafic routier).
ISOLEMENT ACOUSTIQUE AUX BRUITS AERIENS
L’isolement acoustique, désigné par la lettre D, est la différence réellement mesurée et perçue sur site.
L’élément testé en laboratoire est ici connecté à son environnement. Le bruit peut alors être transmis au local voisin sous forme de vibrations par chaque cloison et plancher reliant les 2 locaux.
Il s’agit des transmissions latérales, désignées par le terme « a » dans la l’équation ci-contre.
Par exemple, dans le cas d’une structure en béton homogène, ce terme vaut – 5. Autrement dit, la valeur relevée en laboratoire perdra 5 dB lorsqu’elle sera connectée sur site (environ 1 dB par paroi/plancher).
Ce terme peut être de l’ordre de 10 dB pour des cloisons légères qui bloquent moins les transmissions latérales.
Enfin, on retrouve le terme permettant de prendre en compte les caractéristiques du local de réception et les dimensions de l’élément constatées sur site.
Pour les bâtiments d’habitation, cet isolement s’exprime par DnT,A = (Rw+C) + 10 log (0,32 V/S) – a
V = volume de la pièce de réception et S la surface de la paroi ou du plancher.
LA LOI DE MASSE
La loi de masse permet de caractériser l’indice d’affaiblissement d’une paroi homogène en fonction de sa masse.
Ainsi, plus une paroi est lourde et plus son affaiblissement est important.
Le graphe ici présenté illustre la loi de masse pour les indices globaux définis pour un bruit rose (utilisé pour le calcul des isolements à l’intérieur des locaux) et un bruit de trafic routier (utilisé pour le calcul des isolements de façade). Il s’agit de droites qui représentent la moyenne des nuages de points relevés, obtenues suite à un grand nombre d’essais.
Exemple de calcul
Par exemple, un mur béton de 20 cm d’épaisseur qui pèse 2400 kg/m3 aura une masse de 2400 * 0,2 = 480 kg/m2 . Il sera caractérisé par un indice d’affaiblissement R au bruit rose de l’ordre de 60 dB(A) en laboratoire. Mis en œuvre sur site avec des parois/planchers lourds du même type, la perte par les transmissions latérales sera de 5 dB(A). L’isolement sera donc de 55 dB(A) pour une pièce de dimensions classiques. Cette valeur est correcte et conforme à ce qui est demandé entre logements.
Nota : suivant les doublages et cloisons mis en œuvre, les transmissions latérales pourront être atténuées (diminution du terme 5 dB(A) si doublages à base de laine minérale ou polystyrène élastifié) ou augmentées, notamment en présence de doublages à base polystyrène/polyuréthane rigide.
Attention aux matériaux rayonnants
Il faut être prudent sur le choix des matériaux !
Entre logements, la réglementation impose un isolement suffisant entre les fréquences comprises entre 100 et 5000 Hz.
Or, les parois sont caractérisées par une fréquence propre, appelée ici fréquence critique, à laquelle l’énergie reçue est amplifiée et passe donc plus facilement (perte de 5 à 10 dB sur l’indice d’affaiblissement acoustique autour de cette fréquence).
Par exemple, pour un carreau de plâtre ou une brique de 10 cm d’épaisseur, cette fréquence sera de l’ordre de 400 Hz, située dans les fréquences que l’on cherche à isoler dans le bâtiment. Ce qui explique que l’on n’emploie plus de ce type de matériau.
De part et d’autre de cette fréquence propre, la courbe augmente de 6 dB par octave.
LOI MASSE/RESSORT/MASSE
La loi masse/ressort/masse est la 2ème grande loi permettant de caractériser l’indice d’affaiblissement de parois (cloisons, planchers) constitués :
- d’une 1ère masse (béton, plaque de plâtre, tôle, planche de bois..)
- d’un ressort = vide d’air (qui peut être garni de matériau absorbant tel que laine minérale pour supprimer les ondes qui s’amplifient à l’intérieur)
- et d’une autre masse.
On parle alors de double paroi.
Ainsi, la lame d’air entre les 2 parois créé un effet de couplage qui améliore l’indice d’affaiblissement acoustique. Plus la lame d’air est importante et meilleure est cet indice (finalement des dB presque gratuits, sauf si le m2 est cher !).
Donc, il faut conserver au mieux cette lame d’air, d’où des cloisons à base de plaques de plâtre sur des ossatures totalement indépendantes qui s’avèrent les plus performantes. Si les ossatures sont communes, la performance diminue.
Intérêt
Outre l’intérêt du poids et du coût par rapport à la loi de masse, la performance est meilleure !
En effet, la pente de l’affaiblissement acoustique, après la fréquence propre, est ici de 12 dB/octave, soit le double que pour la loi de masse, ce qui explique qu’elle est meilleure.
La fréquence propre est la fréquence de résonnance de l’ensemble du complexe. En augmentant la lame d’air, on peut la descendre en dessous de 100 Hz, améliorant considérablement les performances. On visera < 80 Hz dans les logements.
Attention, mettre en œuvre un doublage sur une paroi constitue une double paroi. Si la lame d’air est trop faible ou trop rigide, la fréquence propre sera trop haute et pourra dégrader l’isolement initial.
Exemple de calcul
Par exemple, on arrive ainsi à remplacer un béton de 20 cm par une cloison de 18 cm constituée de 4 plaques de plâtre sur ossatures indépendante + laine minérale (doc Knauff).
Nous avons vu ci-dessus que l’indice d’affaiblissement acoustique global R d’un mur de 20 cm est de l’ordre de 60 dB(A).
La cloison ici présentée est caractérisée par un indice R = 64 dB(A), donc supérieur au béton.
Mais n’oublions pas les transmissions latérales, une fois en place.
Or, la cloison légère « bloque » bien moins ces vibrations qui se propagent dans la structure (du fait de son poids faible).
Cette perte se calcule. Elle peut être proche de 10 dB(A) pour ce type de cloison, alors que nous avons vu qu’elle est de 5 dB(A) pour une paroi lourde.
In fine, l’isolement est sensiblement le même (environ 60 – 5 pour le béton et 64 – 10 pour la cloison légère).
Cette solution légère, plus simple à mettre en œuvre, montre donc l’intérêt de la loi masse/ressort/masse très exploitée en acoustique (à condition de bien maitriser la fréquence propre).
EFFICACITE ACOUSTIQUE D’UN REVETEMENT DE SOL
L’atténuation du bruit de choc est caractérisée par l’efficacité du revêtement de sol (ou réduction du niveau de bruit de choc) ∆Lw, exprimée en dB.
Comme l’indice d’affaiblissement acoustique, elle est mesurée en laboratoire sur séparatif (ici un plancher) totalement isolé des locaux, afin de relever uniquement la transmission de ce plancher (schéma ci-contre extrait d’un guide Cated).
Cette atténuation (Efficacité) est mesurée à l’aide d’une machine à chocs normalisée (qui laisse tomber des marteaux de 500 g, voir photo ci-après) pour représenter les bruits d’impacts de type marche avec « semelles dures » ou déplacement de chaise, meuble…
Cela ne représente donc pas l’excitation du plancher dans son ensemble (à sa fréquence propre, donc des basses fréquences) qui serait du, par exemple, à des enfants courant ou sautant sur le plancher (la masse des marteaux n’est pas suffisante pour cela).
Le résultat de la mesure en laboratoire correspond à la différence avec et sans le revêtement de sol testé.
A noter que le test est réalisé sur plancher béton et ne sera pas valable sur plancher léger, de type bois par exemple ou avec hourdis.
ISOLEMENT ACOUSTIQUE AUX BRUITS D’IMPACTS
On parle d’isolement mais en fait c’est ici le bruit reçu qui est caractérisé.
Comme pour les bruits aériens, il y a lieu de tenir compte des caractéristiques du local de réception et des transmissions latérales.
Pour les bâtiments d’habitation, sur plancher béton, ce niveau reçu s’exprime par L’nT,w = Ln,w – ΔLw + 15 – 10 log (V) + a + K
• Ln,w (en dB) : niveau de bruit de choc du plancher nu
• ΔLw (en dB) : réduction du niveau de bruit de chocs du revêtement de sol ou de la chape flottante
• V (en m³) : volume du local de réception
• K : terme correctif prenant en compte la juxtaposition des locaux (transmission verticale, horizontale, diagonale)
• a : terme correctif prenant en compte l’influence des transmissions latérales et des différences observées entre les performances en laboratoire et celles rencontrées in-situ.
Cette équation est extraite du Guide Qualitel.
Exemple de calcul
Pour un plancher de 18 cm, Ln,w = 70 dB. Ainsi, pour 2 chambres superposées, le niveau reçu sera de 77 dB(A) avec a = 5, c’est à dire des transmissions latérales neutres. Il faudra donc un revêtement de sol caractérisé par ΔLw ≥ 19 dB pour viser l’objectif réglementaire de 58 dB dans les logements.